Bernard Schmitt était né le 6 novembre 1929 à Colmar (France). Il nous a quitté le 26 mars 2014. Après sa thèse obtenue à Paris en 1958, il fit un séjour postdoctoral à Cambridge sous la supervision de Piero Sraffa et de Dennis Robertson, et devint attaché de recherches au CNRS. Il fut nommé chargé de cours à Fribourg en 1965 puis professeur extraordinaire en 1966 et professeur ordinaire en 1970. Il prit sa retraite en 2000. Je l’ai moi-même connu en tant qu’assistant à Dijon où il devint professeur associé après avoir quitté le CNRS au début des années septante.
Ses deux domaines d’excellence étaient la macroéconomie et la monnaie. Il marquait ses étudiants par la qualité de ses cours. Le rite était immuable. Il arrivait avec un ouvrage ou quelques feuilles de papier. Celles-ci étaient distribuées aux étudiants (es) car elles étaient la première version d’un polycopié qui deviendrait immanquablement un livre. Et le cours commençait. Toujours centré sur un thème précis, Bernard développait ses idées sans note. Il présentait la thèse et les éventuelles objections, répondait aux interrogations des étudiants qui avaient parfois du mal à suivre ses pensées nouvelles et les deux heures s’achevaient sans que les auditeurs aient vu le temps passé. La préoccupation de Bernard était toujours la même : la recherche de la vérité scientifique et dans cette perspective il ne faisait aucun compromis sur les idées. Malheur à la personne qui lui suggérait une formulation mitigée de ses thèses. Il la rabrouait gentiment mais fermement.
Enseignant remarquable, B. Schmitt a été également un auteur prolifique. Pas moins de quinze ouvrages sans compter les chapitres de livre et les articles. Il laisse une véritable œuvre qui inspire encore aujourd’hui des travaux de recherche. A partir de 1980 il se concentra sur deux sujets : la crise économique et la question de la dette extérieure. Il proposa des visions novatrices qui ne rencontrèrent pas, malheureusement, l’appui politique nécessaire à leur mise en œuvre en particulier sur la question de l’Euro. La création d’une monnaie commune en lieu et place d’une monnaie unique aurait évité à notre continent bien des drames économiques et sociaux.
Bernard était une personnalité chaleureuse et généreuse. Alors que j’étais étudiant et que j’avais eu la douleur de perdre un enfant, j’ai eu la surprise de le voir s’arrêter en pleine rue avec sa voiture durant les vacances universitaires pour me présenter ses condoléances.
La fin de sa vie fut entachée par un accident vasculaire cérébral qui le priva de l’usage de ses jambes. Il n’en continua pas moins de travailler avec constance sur ses manuscrits en collaboration avec A. Cencini, professeur à l’Université de la Suisse italienne, qui l’a assisté jusqu’à ses derniers moments.
Professeur Jean-Jacques Friboulet