Le Professeur Jean-Jacques Friboulet est un homme de science, mais plus encore un homme de bien. Souvent, dans ses cours, il aimait s'approprier cette image d'un nain perché sur les épaules d'un géant, pour illustrer ce que les scientifiques de nos jours doivent à nos grands ancêtres d'autrefois. Le Professeur se considérait comme un nain ; je l'ai connu géant sur lequel s'élevaient du sol des étudiants passionnés de hauteur et de liberté. J'étais des leurs, nous attendions avec impatience la prochaine leçon d'histoire économique – les faits et la pensée – car il nous était miraculeusement donné de comprendre quelque chose du monde, et de nos vies aussi. Dans la bouche du Professeur, l'économie retrouvait cette dimension humaine d'où elle était née jadis; pas de propos réservés, de formalismes rebutants d'une science repliée sur ses paradigmes tautologiques.
Le génie du Professeur Friboulet s'est réalisé à merveille dans cette ouverture, conviant à l'interdisciplinarité au nom de la vérité. Ainsi, étudiantes et étudiants, économistes certes, mais aussi historiens, géographes, philosophes et même théologiens fréquentaient assidument son auditoire. C'est que le Professeur révélait une extraordinaire expertise dans de vastes domaines moins fréquentés par les économistes, comme l'éthique et l'enseignement social chrétien.
Progressant en dehors des sentiers battus, le Professeur eut l'audace de consacrer ses recherches à l'Afrique et à son développement. Il aimait professer qu'elle sauverait le monde, car elle n'avait pas abandonné les valeurs pour le profit. De cette espérance devait découler d'importantes collaborations internationales, un partenariat avec la Confédération Suisse et des résultats concrets et pratiques en matière d'éducation.
Engagé au sein de la collectivité, tout au long de son heureuse carrière le Professeur Friboulet a su témoigner de l'esprit de notre Université. Français d'origine, il est devenu un vrai Fribourgeois, allant jusqu'à embrasser le chant choral aussi surement que l'histoire économique.
Notre Université adresse ses sincères adieux à un homme qui l'a bien honorée et qui va lui manquer; je me réjouis cependant de savoir le Professeur Friboulet bientôt libéré de ses obligations académiques, nous aurons d'autant plus le plaisir de le lire dans les journaux et revues moins scientifiques ou de l'entendre en conférence; je le sais déjà très demandé. Bonne retraite active Monsieur le Professeur !
Avec admiration et reconnaissance,
Pascal Fessard
(ancien assistant à la chaire d'histoire économique et d'économie du développement)